Pierre après pierre, la vaccination fait son chemin auprès des parents réticents

A Bamako, Roukia et d’autres membres d’associations de femmes leaders vont à la rencontre des familles afin de promouvoir la vaccination infantile.

Bintou Abdoulaye
Roukia en pleine séance de sensibilisation avec Hamadou et sa femme sur l’importance de la vaccination.
UNICEF/UN063935/Bintou Abdoulaye
18 mai 2022

Il est 10 heures, lorsque Roukia Kaba Diakite, entre dans la concession du chef de famille Hamadou, tradipraticien, de 49 ans et père de quatre enfants, tous vivant sur les collines de Yirimadio à Bamako, un quartier difficile d’accès, pour une visite à domicile. Roukia est membre de la plateforme des Femmes Leaders en soutien à la vaccination de routine, qui œuvre dans le quartier à la recherche d’enfants n’ayant pas achevé leur calendrier vaccinal et ceux n’ayant jamais été vaccinés. Après avoir entretenu les membres du ménage sur les maladies évitables par la vaccination et l’importance du respect du calendrier vaccinal, Roukia demande à voir le carnet de vaccination de Ali, âgé de neuf mois, bien installé dans les bras de sa maman. Grande est sa surprise lorsque Hamadou lui répond que bébé Ali n’a jamais été vacciné depuis sa naissance.

Impact des fausses informations et rumeurs

Roukia demande alors au chef de famille les raisons de la non-vaccination de son enfant. Ce dernier déclare que ni Ali, ni aucun autre de ses enfants n’a jamais reçu un vaccin. Selon lui, il n’a jamais accepté aucune forme de vaccination car :

  • À la suite de douleurs à l’épaule, avant son mariage, il lui a été dit que « toute personne ayant été vaccinée au BCG à la naissance, présentera des séquelles sous forme de douleurs articulaires au niveau de l’épaule à partir d’un certain âge. »
  • Plus tard, il a suivi sur les réseaux sociaux une vidéo qui disait que les vaccins sont fabriqués pour rendre les enfants africains malades.

Au Mali, selon la dernière Enquête Démographique et de santé en 2018, 45 pour cent des enfants ont reçu tous les vaccins de base et 14 pour cent n’ont reçu aucune dose, ce qui les prive de la protection contre les maladies infantiles courantes et évitables par la vaccination.

Pour améliorer la demande et l’utilisation des services de vaccination, les représentantes des associations de femmes soutenues par l’UNICEF grâce à l’appui financier de GAVI, se sont engagées à soutenir activement la vaccination des enfants. Ainsi sont nées les plateformes urbaines de soutien à a la vaccination de routine composées de militantes identifiées au niveau des associations sous le lead de la Direction Régionale du Développement Social et de la Direction de la Promotion de la Femme, de l’Enfant et de la Famille à travers leurs services déconcentrés.

Ces femmes Leaders ont principalement cinq mandats :

  • Réaliser régulièrement la communication de proximité et le suivi du statut vaccinal des enfants de 0-23 mois au cours de la Visite à Domicile ;
  • Réaliser régulièrement des causeries éducatives sur l’importance de la vaccination et la fiabilité des vaccins dans les groupements de femmes existants dans leurs secteurs d’intervention ;
  • Requérir le feedback des utilisateurs/utilisatrices sur l’utilisation des services de vaccination ;
  • Assurer la recherche active des enfants manqués sur la base des listes mensuelles établies par les équipes de vaccination ainsi que la récupération des enfants non ou incomplètement vaccinés identifiés lors des visites à domicile ;
  • Faire un suivi continu avec les parents des enfants rattrapés jusqu’à la complétude du calendrier vaccinal.

C’est ainsi que Roukia tente de convaincre le père de l’enfant des bénéfices de la vaccination. Elle commence par la genèse des nombreux cas de polio, rougeole et méningite, expliquant les ravages causés par ces maladies sur les enfants avant l’avènement du Programme Elargi de Vaccination au Mali en 1986. Elle compare cela ensuite à la situation actuelle qui s’est nettement améliorée, grâce à la vaccination de routine.

« Je m’engage à œuvrer pour la cause de la vaccination, en sensibilisant toutes mes connaissances qui refusent la vaccination, » - déclare-t-elle en pleine sensibilisation munie de sa boite à image.

« Je m’engage à œuvrer pour la cause de la vaccination, en sensibilisant toutes mes connaissances qui refusent la vaccination. »

Roukia Kaba Diakite, membre de la plateforme des Femmes Leaders en soutien à la vaccination
Roukia en pleine séance de sensibilisation avec Hamadou et sa femme sur l’importance de la vaccination munie de sa boite à image.
UNICEF/UN0639349/Bintou Abdoulaye
Roukia en pleine séance de sensibilisation avec Hamadou et Fatim sur l’importance de la vaccination munie de sa boite à image.

Aussitôt dit, aussitôt fait

Quelques semaines plus tôt, un des fils de Hamadou souffrait de rougeole et a été guéri grâce aux soins reçus. Roukia saisit l’occasion pour lui rappeler que la rougeole est une maladie mortelle, surtout quand les complications surviennent, mais qu’aujourd’hui grâce à la vaccination, des millions d’enfants en sont protégés. Regrettant son comportement, Hamadou dit : « Je me rend compte que j’étais sur le mauvais chemin, maintenant je compte corriger mes erreurs et faire vacciner tous mes enfants, si c’est encore possible. » Désormais convaincu des bienfaits de la vaccination, Hamadou et Fatim, décident de se rendre immédiatement au Centre de Santé Communautaire (CSCOM) pour faire vacciner leur nourrisson.

Fort heureusement, le CSCOM de Yirimadjo vaccine tous les jours y compris le weekend, avec tous les types de vaccins. Ceci, dans le souci d’améliorer la conciliation des occupations des parents et gardiens d’enfants avec la disponibilité des services de vaccination. Bébé Ali a donc reçu les premières doses de vaccins manquées contre les maladies suivantes : tuberculose, poliomyélite, Diarrhées à Rotavirus, Diphtérie, Tétanos, Coqueluche, Infections à Hemophilus influenzae type b, Hépatite B, Pneumonie, Méningite à Méningocoque A, Fièvre jaune, Rougeole.

Quelques semaines plus tard, la maman d’Ali s’est rendue au centre de santé pour honorer le rendez-vous de l’administration des secondes doses des vaccins. Une bonne communication, agrémentée d’un cocktail de patience, d’abnégation, de volonté, de diplomatie a eu raison de la barrière érigée par les fausses informations entre un parent et la vaccination.

Hamadou et sa femme au centre de santé communautaire de Yirimadio montrant fièrement le carnet de vaccination de leur fils Ali, 9 mois.
UNICEF/UN0639350/Bintou Abdoulaye
Hamadou et Fatim au centre de santé communautaire de Yirimadio montrant fièrement le carnet de vaccination de leur fils de neuf mois, Ali.