La place des filles est à l’école
À Bafoulabé, au Mali, le réseau communautaire de protection de l’enfant a contribué à prévenir plusieurs cas de mariages d’enfants.
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Les oncles d’Hawa* ont organisé son mariage avec un homme de leur village. Il est conducteur d’engins sur les chantiers dans la capitale régionale de Kayes. Elle avait 16 ans quand la cérémonie de mariage traditionnel a eu lieu, quelques semaines avant les examens du DEF, le diplôme qui couronne les neuf années de l’école fondamentale au Mali.
Le grand-père d’Hawa, qui fait partie du Réseau Communautaire de Protection de l’Enfant de Bafoulabé, la ville située au sud-ouest du Mali, a alerté la mairie au sujet du cas de sa petite fille.
Monsieur Sissoko Cheikna, premier adjoint du maire qui est en même temps président du Réseau a refusé de célébrer le mariage civil d’Hawa. « Elle est notre fille et nous devons assurer qu’elle a la possibilité de continuer ses études. » Au Mali, le mari a droit sur sa femme une fois que le mariage traditionnel est fait. Monsieur Sissoko a alors convaincu les parents et le mari de signer un engagement qui permet à Hawa de rester à Bafoulabé pour continuer sa scolarité. Hawa a ainsi pu passer les examens. Elle est la seule fille diplômée du DEF dans son village et habite maintenant chez sa sœur, qui l’héberge pour qu’elle puisse continuer ses études au lycée de Bafoulabé.
Sur la question de mariage des enfants, monsieur Sissoko a partagé une autre expérience « On m’appelle un soir pour me dire qu’il y a une jeune fille qui a trouvé refuge dans une localité à 200 km de Bafoulabé. Elle avait fui son foyer. » La jeune fille fait partie d’une famille de notables de la ville. « Je les ai appelés. Ils m’ont dit que l’homme l’avait obligée et qu’elle n’était pas d’accord. J’ai exigé qu’ils aillent la chercher dès le lendemain pour qu’elle rentre chez ses parents. Quand j’ai rappelé à sept heures, les motos étaient déjà au bord du fleuve pour traverser avec le bac. Le mariage a été annulé. Ils ont remboursé la dot et la fille continue ses études. »
Bien que 16 ans soient l’âge légale au mariage pour les filles au Mali (contre 18 ans pour les garçons), les instruments internationaux que le pays a ratifiés, comme le protocole de Maputo, et les évidences sur les conséquences négatives du mariage d'enfants, posent la limite à 18 ans. Selon l'Enquête Démographique et de Santé du Mali de 2018, plus de la moitié des femmes, soit 53.7 %, sont mariées avant leur majorité.
Les filles mariées avant 18 ans sont plus susceptibles d’abandonner l’école. Le mariage interfère avec leur éducation et leur développement personnel. Le mariage d’enfant peut aussi avoir un impact sur la santé des jeunes filles car il est souvent suivi par des grossesses précoces et non désirées, ainsi que sur leur santé mentale et physique. Les jeunes filles mariées avant l'âge sont aussi vulnérables économiquement, car elles rencontreront des difficultés pour atteindre une autonomie économique et resteront dépendantes des autres.
Le Réseau Communautaire de Protection de l’Enfance est un groupe de femmes et d’hommes de la communauté engagés en faveur du respect, de la réalisation et de la promotion des droits des enfants. Ils collaborent avec tous les acteurs y compris les services de santé, les écoles et les familles pour trouver des solutions locales aux alertes et cas de protection y compris les violences, abus, abandons et autres violations de droits des enfants.
La mairie de Bafoulabé a mis en place le Réseau Communautaire de Protection de l’Enfance dans le cadre du projet « Améliorer l’accès à une éducation de qualité pour les enfants du Sahel (Burkina Faso, Mali et Niger) » mis en œuvre par l’ONG FANDEEMA (« s’aider soi-même » en soninké) avec le soutien de l’UNICEF. Il est financé par NORAD, l’Agence Norvégienne de Coopération et de Développement.
* Nom d’emprunt pour protéger l’identité de l’enfant.