Des rêves dans un monde dévasté par le conflit

Kawthar s’est réfugiée avec sa fille dans un camp en Iraq afin de fuir l’escalade de la violence dans le nord-est de la Syrie.

Par Giselle Hall et Zalala Ali
Une femme et sa fille sont assises sous une tente, dans une camp de réfugiés en Iraq, en
UNICEF/UNI218756/Simkin
31 octobre 2019

CAMP DE BARDARASH, Iraq – Alors que la pluie tombe silencieusement sur le camp de Bardarash situé dans le nord de l’Iraq, non loin de la frontière avec la Syrie, le vent, lui, vient bruyamment fouetter la tente de Kawthar. Il y a une semaine, la jeune femme avait encore une maison en Syrie. Aujourd’hui, elle vit dans cette tente.

« Ils menaient des frappes aériennes juste devant nous, si bien que j’ai pris ma fille et que je me suis enfuie », témoigne la jeune mère de 25 ans, qui vient du nord-est de la Syrie. « On n’entendait rien d’autre que le bruit des bombardements. Les bombes tombaient devant nous pendant qu’on marchait. Parfois, on s’arrêtait et on pleurait, on ne savait pas où aller. »

Kawthar et Barcham, sa fille de 2 ans, viennent de Ras al-Aïn, une ville syrienne proche de la frontière avec la Turquie. À l’instar d’autres familles touchées par l’intensification récente de la violence dans le nord-est de la Syrie, Kawthar a déjà été déplacée plusieurs fois.

« Où que nous allions, il y a la guerre », se désole-t-elle. « Nous avons été à Al-Darbasiyah, puis à Hassaké, mais il y avait aussi des attaques là-bas. Nous n’avions plus d’autre endroit où aller. »

Kawthar a pris la décision difficile de fuir avec sa fille, qui fait désormais partie des quelque 4 000 enfants qui ont traversé le Kurdistan iraquien pour se réfugier en Iraq à cause des récents épisodes de violence et qui vivent aujourd’hui dans le camp de Bardarash, à Dohuk, dans le nord de l’Iraq.  C’est un périple périlleux et éprouvant, et Kawthar nous confie que Barcham n’a quasiment pas cessé de pleurer tout au long du chemin.

Un petit garçon origi dort dans une tente dans le camp de Bardarash, dans le nord de l’Iraq.
UNICEF/UNI218429/Rfaat
Un petit garçon originaire de Kameshli, dans le nord-est de la Syrie, dort dans une tente dans le camp de Bardarash, dans le nord de l’Iraq.
« Vous ne pouvez pas imaginer ce que vivent nos enfants. »

Barcham est assise sagement sur les genoux de sa mère. Elle tient un paquet de biscuits dans une main et caresse la joue de sa mère de l’autre. « J’ai dû partir pour son bien », affirme Kawthar en regardant sa fille. « Vous ne pouvez pas imaginer ce que vivent nos enfants. »

La tente ne contient presque rien, à l’exception d’un matelas, d’un petit sac à dos et de quelques articles de secours empilés dans un coin. Comme la plupart des familles qui ont franchi la frontière à pied, Kawthar n’a pas presque rien pris avec elle. « J’ai juste pris Barcham et des vêtements de rechange pour trois jours. J’ai passé mon sac sur mes épaules et je suis partie en courant. »

Des organismes humanitaires ont fourni aux familles des articles de secours de base, tels que des ustensiles de cuisine et des matelas, et l’UNICEF a distribué des kits d’hygiène dans le camp. Cependant, cette aide matérielle ne résout pas tout. Les enfants sont traumatisés – les violences les ont privés de leur enfance et de leur éducation.

Des gens se déplacent dans le camp de Bardarash, dans le nord de l’Iraq.
UNICEF/UNI218437/Rfaat
Des gens se déplacent dans le camp de Bardarash, dans le nord de l’Iraq.

« La plupart des enfants qui vivent aujourd’hui dans le camp de Bardarash venaient de faire leur rentrée scolaire lorsque les violences ont éclaté. Ils ont dû laisser toute leur vie derrière eux », témoigne Hamida Lasseko, Représentante de l’UNICEF en Iraq, qui remarque que beaucoup d’enfants arrivent en état de choc. « L’UNICEF travaille sans relâche pour mettre en place des services de base dans le camp, notamment des structures éducatives et des espaces amis des enfants afin que les enfants puissent apprendre et jouer en sécurité et bénéficier de soins spécialisés lorsqu’ils ont des besoins spécifiques. »

Une poignée de rêves tout simples

Les responsables du camp de Bardarash, qui avait pour vocation d’accueillir les familles iraquiennes qui fuyaient les violences à Mosul, dans le nord de l’Iraq, lorsqu’il a été construit en 2015, expliquent que le camp était vide depuis deux ans, mais qu’il a rouvert au cours des derniers jours pour accueillir les familles fuyant les violences dans le nord de la Syrie.

Le camp bouillonne de nouveau d’activité, rythmée par le bruit métallique des pelles que manient les hommes pour déblayer le sol et installer des tentes supplémentaires. Un groupe de jeunes hommes déblaie les déchets et pose des rangées de dalles en béton devant les tentes. Avec la pluie, le terrain a tendance à devenir boueux. Ces dalles évitent aux enfants de glisser et de tomber lorsqu’ils se faufilent pour entrer dans les tentes ou en sortir.

Pour l’heure, ce ne sont que de petites avancées, mais elles marquent tout de même des progrès. Kawthar a des rêves simples pour sa fille – le type de rêves que toute mère aurait pour son enfant.

« Je veux que ma fille ait une vie heureuse et agréable, à l’écart de la guerre », affirme-t-elle. « Je veux qu’elle vive confortablement et en sécurité. C’est tout ce que je demande. »