Des héros méconnus : des vaccinateurs gravissent des montagnes pour sauver la vie d’enfants au Yémen

Face à la détérioration du système de santé du Yémen, des équipes de vaccination mobiles se déplacent jusqu’aux enfants qui n’ont plus accès aux services de santé vitaux

Par Bismarck Swangin et Moohialdin Fuad
Des agents de santé et des bénévoles en chemin vers un village isolé pour administrer des vaccins.
UNICEF Yemen/2017/Al-Zikri
27 mars 2017

SANAA, Yémen, le 27 mars 2017 – En plein conflit, vacciner des enfants contre des maladies potentiellement mortelles n’est pas chose aisée. Ces dernières semaines, au Yémen, des vaccinateurs ont affronté des terrains accidentés, franchi des lignes de front dangereuses et sillonné des vallées et des montagnes pour immuniser contre la polio des enfants dont certains avaient été déplacés par le conflit. Ils ont bravé, entre autres obstacles, l’insécurité, des barrages routiers, des pénuries de carburant et des pannes d’électricité.

Pendant la première campagne de ce type menée cette année, 40 000 vaccinateurs ont été déployés dans l’ensemble du pays en conflit pour vacciner 5 millions d’enfants de moins de cinq ans dans le cadre d’une campagne de porte-à-porte contre la polio.

Ahmed Ahmed Abdullah est l’un de ces vaccinateurs. Avec trois autres collègues, il part vacciner des enfants du village d’Al’anaf, situé à environ 70 kilomètres au nord de la capitale, Sanaa. Mais ce village isolé est d’un accès particulièrement difficile.

Al’anaf se trouve de l’autre côté d’une montagne escarpée et n’est accessible par aucune route ni aucun chemin. Ahmed et ses collègues doivent grimper jusqu’au sommet de la montagne avant de pouvoir redescendre du côté où vivent les enfants et leurs familles.

L’équipe d’Ahmed compte un cinquième membre, d’une valeur inestimable : un âne. Cet animal robuste et endurant contribue pour beaucoup à sauver la vie d’enfants au Yémen. Il porte la bouteille de gaz indispensable à l’alimentation du générateur permettant de réfrigérer les vaccins, qui perdraient sinon leur efficacité. Depuis que le conflit au Yémen s’est aggravé, en mars 2015, l’approvisionnement en électricité et en carburant a été limité et irrégulier.

Après avoir chargé tout ce qu’il fallait sur le dos de l’âne, l’équipe d’Ahmed se met en route sous une chaleur étouffante. À mi-chemin, épuisés et le cœur battant, ils doivent faire une pause. C’est l’occasion pour Ahmed de rappeler à ses collègues la tâche qui les attend.

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Un homme attache un conteneur de vaccins réfrigérés sur le dos de l’âne.
UNICEF Yemen/2017/Al-Zikri
Ahmed attache le conteneur de vaccins réfrigérés sur le dos de l’âne. L’âne porte des vaccins qui sauvent des vies et le générateur qui permet de les réfrigérer.

« Quand nous serons prêts à partir, il faudra vérifier que le chargement est bien attaché au dos de l’âne. Préparez-vous à grimper. Quand nous arriverons dans les villages, vous devrez noter combien d’enfants se trouvent dans chaque maison. S’il n’y a pas d’enfants dans une maison, notez-le également, même si elle est fermée », explique Ahmed.

Après une montée et une descente difficiles, Ahmed et son équipe arrivent enfin à Al’anaf. Les enfants et leurs familles les attendent avec impatience. Ils ont appris par des messages radio, plusieurs jours avant le début de la campagne contre la polio, qu’une équipe de vaccinateurs viendrait bientôt leur rendre visite.

Malgré la fatigue, l’équipe se met immédiatement au travail. Chaque enfant de moins de cinq ans reçoit deux gouttes de vaccin dans la bouche. Des suppléments de vitamine A sont également administrés aux enfants âgés de 6 à 11 mois pour renforcer leur système immunitaire.

« Ce vaccin protégera votre enfant de la polio », explique Ahmed aux parents, une ampoule à la main. « Si votre enfant attrape la polio et est handicapé, cela se répercutera sur toute la famille parce que vous aurez à vous occuper de lui et à le porter partout, même aux toilettes. »

D’après Ahmed, son équipe se rend chez 20 à 30 ménages par jour pendant la campagne de trois jours. Quand un enfant est vacciné, il est marqué à l’index et une marque est aussi apposée sur la maison. Cela permet de s’assurer qu’aucun enfant n’a été oublié. Le marquage des maisons aide également l’équipe à savoir exactement où elle s’est arrêtée la veille et où recommencer le lendemain.

« Nous devons vacciner nos enfants car ils sont une partie de nous-mêmes », déclare Ahmed. « Nous ne laisserons de côté aucun enfant. »

La campagne intervient à un moment critique où la population, et en particulier les enfants, sont extrêmement vulnérables. Les enfants du Yémen vivent au bord de la famine et la malnutrition est endémique ; le risque de maladie est donc très élevé. En outre, plus de la moitié des centres médicaux du Yémen situés dans 16 provinces prioritaires sont fermés ou ne fonctionnent que partiellement et le système de santé est au bord de l’effondrement.

Avec ses partenaires et les autorités sanitaires, l’UNICEF a renforcé l’appui qu’il apporte à la vaccination en fournissant des vaccins aux enfants, ainsi que des médicaments contre les maladies courantes de l’enfance telles que la diarrhée et les infections respiratoires.

Alors que le système de santé est en danger, ces campagnes sont utiles sans être cependant viables à long terme. Ces interventions ne suffisent pas à répondre aux besoins médicaux de toute la population. Il est urgent de remédier aux problèmes du système de santé et, avant tout, de mettre fin au conflit.

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