Protéger les enfants tunisiens les plus vulnérables et soutenir leurs familles
Comment les allocations pour enfants et les services de protection de l’enfance viennent en aide aux enfants et leurs familles en Tunisie
Dans la ville désertique de Tozeur, dans le sud de la Tunisie, une brise fraîche souffle sur les palmiers et les arbustes fruitiers de l'oasis qui jouxte la maison de Zakia Jmou'i et de ses petits-enfants. À l'intérieur de la maison, Zakia se déplace tranquillement entre les pièces qui s’ouvrent sur une cour aérée et ensoleillée. Dans l'une des chambres où dorment les petits-enfants, Mayssa, 18 ans, assise sur un lit, raconte les difficultés qu'elle a rencontrées depuis la mort de son père et le départ de sa mère.
« Quand mon père est décédé, cela m’a beaucoup affecté ainsi que mon frère et mes sœurs. C'était mieux quand mes parents étaient là. Maintenant, je dois remplir le rôle de mère et du père pour mes frères et sœurs », a-t-elle déclaré, faisant référence à ses jeunes sœurs, Eslem, 12 ans, Lamis, 13 ans, et son frère, Omar, 23 ans.
Pour aider des enfants comme Mayssa et ses frères et sœurs, ainsi que des milliers d'autres enfants tunisiens en situation socio-économique vulnérable, l'UNICEF Tunisie intensifie son soutien.
Grâce au financement des gouvernements allemand et américain, l'UNICEF appuie le Gouvernement tunisien à fournir aux familles les plus vulnérables une allocation monétaire accompagné d'un ensemble de services sociaux. Initialement, le soutien au ministère des Affaires sociales consistait à fournir une allocation familiale de 30 TND par mois, accordée à environ 129 000 enfants âgés de 0 à 5 ans, mais qui s’est maintenant étendu à des enfants âgés de 6 à 18 ans vivant dans des familles pauvres et vulnérables. Cet appui fait partie du programme AMEN Social du Ministère, qui renforce la résilience communautaire et aide les soignants à répondre aux besoins de santé, de nutrition et d'éducation des enfants afin qu'ils puissent développer leur plein potentiel. En 2022, 114 000 enfants âgés de 6 à 18 ans issus de foyers pauvres ont reçu six mois d'allocations familiales et les enfants handicapés ont eu droit à une allocation spécifique. Au total, le soutien apporté profitera à environ 420 000 enfants âgés de 6 à 18 ans en 2023.
Avec une diminution de 8,8 % du produit intérieur brut (PIB) réel en 2020 et des taux de chômage atteignant 17,8 % à la fin du premier trimestre 2021, l'économie tunisienne a été profondément touchée par la crise de la COVID-19 (Banque mondiale 2021). La pauvreté des enfants est passée de 19 % avant la pandémie à 26 % en 2021 (INS), ce qui équivaut à près d'un million d'enfants vivant en dessous du seuil national de pauvreté.
Heureusement, malgré les circonstances difficiles, Mayssa et ses frères et sœurs bénéficient dès à présent du programme des allocations monétaires mensuelles pour enfants.
L'argent du ministère des Affaires sociales a résolu beaucoup de nos problèmes, pour être honnête. Parfois, nous l'utilisons pour la nourriture, parfois pour les vêtements.
Et Mayssa rêve d'ouvrir une entreprise afin de gagner de l'argent, d'être indépendante et de subvenir aux besoins de sa famille.
« J'avais quitté l'école pour couvrir les dépenses de mes frères et sœurs. Ils sont encore jeunes et veulent étudier. Alors, j'avais arrêté mes études avec l'idée d'ouvrir une entreprise et de gagner de l'argent que je pourrais utiliser pour aider mes frères et sœurs », a déclaré Mayssa.
Elle ajoute : « Ma passion, c’est la coiffure. Donc, je veux ouvrir un salon de coiffure. Ce projet pourrait me soutenir dans mon développement. Et cela pourrait aider à soutenir mes frères et sœurs pendant qu'ils terminent l'école. »
La grand-mère de Mayssa, Zakia, 69 ans, est la principale personne ayant la charge de Mayssa et de ses frères et sœurs depuis la mort de leur père et le départ de leur mère. C’est Zakia qui reçoit les allocations mensuelles pour les enfants.
Chaque mois, je reçois une aide de 200 dinars. Et j'ai aussi reçu 50 dinars supplémentaires pour chaque enfant à la rentrée scolaire afin de les aider à reprendre leurs études après les vacances d'été.
Assise sur un banc à côté de Zakia dans la cour de sa maison, Amel Ettonbari, une travailleuse sociale au ministère des Affaires sociales qui suit de près leur cas depuis 2015, a constaté la façon dont les transferts monétaires jouent un rôle important pour remédier aux vulnérabilités des enfants et familles. Mais ils doivent, selon elle, être accompagnés par d'autres services sociaux comme les services de protection de l'enfance.
« Nous, les travailleurs sociaux, effectuons une évaluation des besoins sociaux et nous l'envoyons à la délégation locale de protection de l'enfance. Ensuite, le délégué à la protection de l'enfance cible les familles pour le soutien. Nous nous concentrons sur les familles sans soutien, dans lesquelles, par exemple, le père est décédé, la mère est divorcée ou le père est parti. Tout le soutien est coordonné par le ministère de la Famille, de la Femme, de l'Enfant et des Seniors, en partenariat avec le ministère des Affaires Sociales, ainsi que la société civile locale à Tozeur. »
Amel a ajouté que l'ensemble de services offre divers avantages aux enfants comme ceux de la famille de Zakia, comme l'accès à un restaurant où ils peuvent avoir droit à des repas tous les jours gratuitement après l'école, des fournitures scolaires, comme des sacs à dos et de la papeterie pour la rentrée, et même les voyages d'été à la mer.
Fahmi Rabhi, le délégué à la protection de l'enfance à Tozeur, explique que c'est la combinaison de l'argent et des services sociaux que le programme fournit qui fait la différence dans la vie des enfants et de leurs familles : « Les enfants bénéficient des services du complexe d’enfance pour enfants de Tozeur. Ils bénéficient également d'une aide à la rentrée scolaire sous la forme de vêtements et de fournitures scolaires. Le but de tout ce soutien est de soulager la pression sur la famille pendant la rentrée scolaire. »
Amel soutient également une autre famille, dans une maison plus loin sur le chemin de terre battue, nichée parmi les feuilles de palmier.
Dans ce foyer, Noura, également bénéficiaire du programme de services sociaux Cash+ incluant l'Allocation mensuelle pour ses enfants, s'occupe de ses six enfants.
« Mon mari est décédé en décembre 2020 », a déclaré Noura. « C'était un travailleur journalier, parcourant les provinces de Gafsa et de Kasserine pour aider à charger et décharger les marchandises destinées à la vente. Mon mari a travaillé dur et nous a beaucoup aidés. »
Noura indique que chaque mois, elle reçoit 250 dinars d'aide gouvernementale pour les familles nécessiteuses. En plus de cela, elle reçoit une allocation de 60 dinars pour le mois sacré du Ramadan et une allocation de 60 dinars pour l'Aïd, fête de fin de Ramadan. Enfin, à l'automne, lorsque ses enfants retournent à l'école, chacun d’entre eux reçoit 50 dinars du ministère des Affaires sociales et 50 dinars supplémentaires de l'UNICEF pour les aider à couvrir les frais de fournitures scolaires.
Avant, j'avais l'impression d'étouffer en essayant de couvrir les frais de subsistance quotidiens des enfants. Mais avec cette allocation mensuelle, je me sens tellement soulagée mentalement et émotionnellement. Dieu merci.
La fille de Noura, Saba, 16 ans, est une coureuse à pied et aspirante athlète.
« Je veux faire de grandes choses dans le sport, laisser ma trace. Mais j'ai besoin d'une organisation pour me soutenir. J'ai besoin d'aide. »
Sans une amélioration de sa situation quotidienne, il est très difficile pour Saba de se concentrer sur des activités comme celle qui la passionne, la course à pied. Heureusement cependant, le soutien de l'UNICEF a permis d'ouvrir la porte aux ambitions de Saba.
« Quand nous recevons de l'aide d'organisations comme l'UNICEF », a-t-elle déclaré dans un sourire, « je suis vraiment heureuse, parce que finalement je sens qu'il y a quelqu'un qui me soutient. Je sens qu'il y a de la bonté dans le cœur des gens et qu'il y a de l'espoir. »
Beate Richter, directrice du bureau tunisien de la KfW, la banque de développement allemande, l'un des principaux bailleurs de fonds du programme de protection sociale, a déclaré : « Les subventions générales sont des mécanismes gouvernementaux pour compenser les coûts élevés. Cependant, ces politiques sont généralement très coûteuses et ne ciblent pas efficacement les couches les plus pauvres de la population. Les transferts monétaires sont un choix plus judicieux, en particulier dans les pays ayant la capacité administrative de la Tunisie, capables de cibler les ménages dans le besoin. Chaque famille bénéficiaire des transferts monétaires peut faire ses propres choix prioritaires de dépenses avec l'argent reçu. Il s'agit d'une étape très importante dans la mise en place d'un réseau de sécurité sociale, tout en permettant aux ménages pauvres de subvenir à leurs besoins. Indirectement, ces types de transferts monétaires permettent d'éviter une baisse drastique des dépenses de consommation et soutiennent ainsi l'économie locale. »
Youmna Fakhfakh, conseillère en santé et environnement auprès de l'Agence des États-Unis pour le développement international (USAID) en Tunisie, un autre bailleur de fonds du programme de protection sociale, a déclaré que l'USAID a choisi de soutenir cette initiative parce que « les efforts conjoints de l'USAID et de l'UNICEF ont montré notre capacité à travailler ensemble, à s'adapter rapidement et à avoir un impact significatif sur la vie des personnes touchées par la crise. S'appuyant sur le succès de la collaboration en réponse à la COVID-19, l'USAID reconnaît l'immense potentiel de continuer le partenariat avec l'UNICEF, avec le focus cette fois sur le renforcement des efforts de protection de l'enfance. »